Crossed + 100

Je dois admettre que je regarde assez peu la section Avatar du Previews, faute de réel enthousiasme pour leurs séries. Et pourtant, ces dernières années d'excellent auteurs y ont travaillé : Warren Ellis (avec Gravel, Doktor Sleepless, Freakanglers, Anna Mercury, Supergod...), Kieron Gillen avec Über, et Garth Ennis avec Crossed. Cette année, Alan Moore a remis le couvert chez Avatar après Neonomicon et Providence ses comics lovecraftiens. Il signe les 6 premiers épisodes de Crossed + 100, avant de laisser la main à Simon Spurrier pour la suite.


Ces dernières années, Alan Moore était très en dessous de sa légende. On avait déjà pu constater le niveau de qualité baisser chez ses fameux compatriotes, en particulier Warren Ellis qui ne passe plus les portes avec son melon énorme et ses séries prétentieuses écrite en pilote automatique. Les derniers comics sympas de Moore dataient de sa période ABC chez Wildstorm, et il s'était un peu perdu en route depuis avec son Lost Girls et la dérive de la League of Extraordinary Gentlemen. C'est donc avec un certain doute que j'ai commencé la lecture de Crossed + 100, d'autant que je n'avais pas lu les Crossed de Garth Ennis qui me paraissent volontairement provocateurs (ben oui c'est du Ennis quoi).


Writer, mall santa, Rasputin impersonator


La première grosse surprise, c'est que la lecture est agréable. Ce n'est certes pas de From Hell ou du V pour Vendetta, mais c'est nettement meilleur que bon nombre des scripts récents du seul fidèle vivant du dieu romain Glycon (allez lire la biographie d'Alan Moore, vous comprendrez mieux la référence). Si comme moi vous n'avez pas lu Crossed, cela n'a aucune importance. Car lorsque l'éditeur Avatar a approché Garth Ennis pour réaliser des suites à son best-seller, Ennis a répondu qu'il n'avait plus rien à dire mais qu'il ne s'opposait pas à ce que d'autres auteurs racontent de nouvelles histoires dans le même univers, à condition de ne pas toucher à ses personnages. Moore, qui aime toujours un bon challenge et le détournement de concepts, a décidé de placer son histoire 100 ans après les évènements de Crossed, d'où le titre Crossed + 100.


Là où Crossed raconte l'émergence d'une folie transmissible par les fluides (à la "28 jours plus tard" où les zombies sont vivants et violent leurs victimes avant/pendant/après les avoir dévorées), Moore raconte la vie des humains dans une Amérique post-apocalyptique. Les priorités sont celles de tout survivant : manger, se regrouper pour bénéficier de protection et de contacts humains... mais aussi de rechercher des documents, des cartes, des livres pour récupérer l'ancien savoir. Future Taylor, l'héroine de Moore, est une Archiviste qui part en groupe en missions de sauvetage du passé. Elle raconte ses aventures dans son journal, avec la nouvelle grammaire qui s'est développée durant ce siècle de survie et d'isolation. Et comme Future est l'une des rares personnes du futur à lire des livres et surtout des "Fictions Désireuses" comme elle appelle la Science-Fiction, elle établit des parallèles entre sa situation et certains romans qui servent de titre aux épisodes du comics.


Cover


Graphiquement, on reste dans la ligne d'Avatar et seul le décor de cette Amérique où la nature reprend ses droits permet de différencier la série de n'importe quel autre titre de l'éditeur. Mais l'intérêt n'est pas là. La nouvelle langue créée par Moore (ou plutôt recyclée) déroute au début, mais décuple le sentiment d'immersion du lecteur dans cet univers et l'attachement aux personnages. Sans rentrer dans le détail de l'histoire qui garde son lot de rebondissement, Moore quitte le navire au numéro 6 et laisse la main à Si Spurrier sans vraiment terminer son histoire. Il installe l'univers et le laisse pour ses camarades qui le suivent. La différence de qualité est flagrante, quoique Spurrier s'en sorte nettement mieux que sur ses X-Force ou ses X-Men Legacy.


Crossed + 100 arrive directement au top des séries Avatar qui méritent le coup d'oeil.

Posté par Leto le 08/10/2015