L'univers étendu Star Wars en Comics

Parmi les sujets d'engueulade entre amis au bar ou en soirée, il y a évidemment la politique, la religion, les histoires d'amour... et Star Wars (qui selon certains regroupe tous les sujets précédents). Ces dernières semaines les discussions ont donc été animées avec la sortie au cinéma du Réveil de la Force, l'épisode VII qui est perçu soit comme un retour aux sources, soit comme un navet, c'est selon. Outre l'avis qu'on peut avoir sur le film, c'est surtout l'occasion de se pencher sur la version comics de Star Wars.

Les plus anciens ont pu connaître la première série Marvel, celle qui était publiée en France dans Titans. Cette série a démarré en 1977, un mois avant le lancement au cinéma de l'épisode IV. La police du logo n'avait même pas été finalisée à  l'époque, elle est donc restée erronée durant toute la publication jusqu'à  l'arrêt du titre en 1986. Roy Thomas et Howard Chaykin sont partis du synopsis du film pour créer une adaptation (y compris des scènes coupées au montage qui ne ressortiront qu'en 1997 dans la version remasterisée THX du film), puis pour développer les aventures du Luke, Leia, Han et Chewie entre les films. Suivra ensuite une pléthore d'artistes tels qu'Archie Goodwin, Carmine Infantino, Michael Golden, Walt et Louise Simonson, David Michelinie, Ron Frenz, Sal Buscema... et enfin presque toute la fin de la série (des épisodes 70 à  107) est écrite par Mary Jo Duffy. La série Marvel est aujourd'hui un classique du kitsch : pour quelques pépites (comme la Dame Sombre Lumiya), on trouve surtout des aliens improbables qui sont aujourd'hui ignorés (voire reniés) par Lucasfilm, tel que Jaxxon le lapin vert. Dark Horse a republié cette saga en Omnibus en 2010 pour les nostalgiques.

Entre 1986 et 1991, la licence Star Wars passe de Marvel Comics à  Dark Horse Comics. C'est aussi à cette époque que l'Univers Etendu de Star Wars décolle vraiment avec la parution en 1991 du roman l'Héritier de l'Empire de Timothy Zahn chez Bantam Spectra et la sortie du comics Dark Empire par Tom Veitch et Cam Kennedy. L'Héritier de l'Empire, premier tome de la trilogie dite de la Croisade Noire du Jedi Fou (ou trilogie de Thrawn), raconte les aventures de nos héros 5 ans après le Retour du Jedi : malgré la victoire de la Rebellion sur la lune d'Endor et la mort de l'Empereur Palpatine, l'Empire n'a pas disparu du jour au lendemain et le Grand Amiral Thrawn tente de restaurer la flotte impériale grâce à son génie tactique. Pendant ce temps, Leia et Han attendent la naissance de jumeaux, les futurs Jaina et Jacen Solo, et Luke rencontre Mara Jade, la Main de l'Empereur. La trilogie de Thrawn a été adaptée en comics par Mike Baron entre 1995 et 1998, avec le Français Olivier Vatine (Aquablue) au dessin pour l'Héritier, puis Terry Dodson (encré par Kevin Nowlan) pour le second tome La Bataille des Jedi (Dark Force Rising en VO), et enfin le regretté Edvin Biukovic (Human Target) pour le dernier tome l'Ultime Commandement (Last Command). Je vous la recommande chaudement : l'histoire est captivante (à tel point que les fans en attendaient l'adaptation au cinéma pour les épisodes VII à IX), les dessins magnifiques, c'est du grand Star Wars. A la même époque (décembre 1991) sort donc Dark Empire par Veitch et Kennedy. Cette saga, à l'origine prévue pour Marvel, raconte la résurrection de l'Empereur Palpatine dans un corps cloné et ses tentatives de corruption de Luke. Je ne vous en dirai pas plus, car la saga est encore sur ma pile de lecture, sachez juste que c'est un opus culte dans la galaxie de l'Univers Etendu. Cependant on peut dire deux mots des auteurs. Tom Veitch a ensuite travaillé sur la série Tales of the Jedi de 1993 à 1995 qui étoffe l'univers environ 4000 ans avant la bataille de Yavin (épisode IV Un Nouvel Espoir). Il a créé dans cette série de comics, seul ou avec Kevin J. Anderson, l'antiquité de l'univers Star Wars : les origines des Sith, la corruption des Jedis Exar Kun et Ulic Qel-Droma, les guerres Mandaloriennes... Tout cela est un peu confus à vrai dire, et très difficile à résumer. En plus ce n'est pas très beau, ce qui n'aide pas à la lisibilité.

Heureusement pour Dark Horse, Tales of the Jedi n'est pas la seule série publiée entre 1991 et 1998. La compagnie sort aussi une quantité astronomique de mini-séries autour de la trilogie originale, dont plusieurs sur le Rogue Squadron, sur nos droïds préférés ou sur Boba Fett (ressorti du puits de Sarlacc) où l'on retrouve notre ami Cam Kennedy qui est visiblement marié au personnage. Et puis il y a eu les Ombres de l'Empire (Shadows of the Empire), une expérience multimédia qui mélange comics, jeux vidéos et romans. Côté comics ce sont John Wagner (2000 A.D.) et Kilian Plunkett (Unknown Soldier) qui s'y collent pour décrire les réseaux mafieux du Black Sun et les affrontements des chasseurs de primes pour livrer le corps congelé dans la Carbonite de Han Solo à Jabba. En puis en 1999 sort la Menace Fantôme, et c'est tout un pan de l'Histoire Star Wars qui se débloque. Jusqu'ici George Lucas mettait un véto systématique sur toutes les histoires se déroulant au moment de sa prélogie et qui pourraient interférer avec son écriture. Dark Horse commence en 1998 par publier dans la nouvelle série Star Wars la biographie de Ki-Adi-Mundi, un obscur Jedi a tête longue qui apparait au Conseil des Jedi dans le film. A partir du septième épisode, Timothy Truman (Hawkworld, Grimjack) reprend les rênes pour les donner au numéro 19 à John Ostrander (Suicide Squad, Martian Manhunter) et Jan Duursema (X-Factor) pour ce qui va devenir un duo mythique de créateurs. Ostrander et Duursema ne se quitteront ensuite qu'en 2012. Sous leurs crayons, la série Star Wars devient Star Wars: Republic au numéro 46 et raconte de 2000 à 2006 l'univers Star Wars en BD vu par leur Jedi Quinlan Vos avant puis pendant les Guerres des Clones. Star Wars: Republic sera d'ailleurs publiée en France sous le titre de Clone Wars.

En 2006, la Revenche des Sith est déjà sortie au cinéma et Star Wars: Republic change de nom pour devenir Star Wars: Dark Times, qui raconte l'exile de Dass Jennir, l'un des rares Jedi à avoir survécu à la Purge des Jedi suite à l'Ordre 66 donné par Palpatine aux clones. Ce changement de titre s'inscrit dans une nouvelle direction donnée aux titres Star Wars par Dark Horse qui raconte alors trois époques différentes en même temps (réunies le temps du crossover Vector en 2008). John Jackson Miller s'attaque à l'Ancienne République dans Star Wars: Knights of the Old Republic (alias KOTOR pour les amateurs du jeu vidéo). La série a de bons artistes (Brian Ching, Travel Foreman, Dustin Weaver). Malheureusement la série ne raconte pas les aventure de Darth Revan comme le jeu vidéo éponyme de BioWare mais celles du padawan raté Zayne Carrick. Le ressort comique est difficilement contrebalancé par la complexité de cette époque de l'univers Star Wars, mal connue des fans occasionnels. Seuls les fans hardcore s'y retrouveront dans les références aux jeux et romans de l'Univers Etendu. En parallèle de KOTOR, Dark Horse publie Star Wars: Legacy, où l'on retrouve le duo Ostrander/Duursema. Legacy raconte les aventures de Cade Skywalker, descendant pirate de Luke 100 dans le futur. Ce choix audacieux a d'abord provoqué l'outrage des fans, mais cette excellente série est devenue l'une des favorites de tout l'Univers Etendu. Publiée de 2006 à 2012, Legacy voit le retour d'un nouvel ordre de Sith en lien avec... la série Republic. Tout se tient. Legacy arrive a faire la synthèse de la trilogie originale et de la prélogie, tout en se passant dans le futur. Un vrai tour de force. En 2012, Legacy se termine lors de la mini Legacy War, et renaitra le temps de quelques épisodes (un peu plus soporifiques) par une autre équipe artistique et centrés sur Ania, une descendante Solo cette fois-ci. En 2009 Dark Horse s'attaque enfin à une autre période issue des romans : l'invasion des Yuuzhan Vong qui ont failli ravager la galaxie une vingtaine d'année après le Retour du Jedi. Star Wars: Invasion est en fait découpée en plusieurs mini-séries (Refugees, Rescues, Revelations), toutes centrées sur une nouvelle famille, les Galfridian, mais aussi sur les enfants Solo alors padawans dans la Nouvelle Academy Jedi de Luke : Jacen, Jaina et Anakin. Malheureusement la série est confuse et les dessins n'aident pas à la lisibilité. On préférera se tourner vers les romans à l'origine de la saga.

Disney rachète Lucasfilm en 2012. Chez Dark Horse, on tremble, car Disney a racheté Marvel peu de temps auparavant, et la logique veut que la maison mère rapatrie la licence Star Wars au sein de sa propre maison d'édition. Mais un contrat est un contrat, et Dark Horse reste maître de la licence jusqu'en 2014 (et croise les doigts sans y croire pour un renouvellement). Cette perspective de fin de contrat explique grandement les choix de Dark Horse, comme l'arrêt de Legacy, Invasion et Kotor. En 2013, Dark Horse tente alors un retour au fondamentaux sans grand risque en lançant une série basée sur un Nouvel Espoir (épisode IV) : Star Wars, par Brian Wood, ou les anciennes aventures de Luke, Han et Leia. Cette série reprend la recette de Marvel : des épisodes intercalaires sans grande importance dans la trame globale de l'Univers Etendu. Les fans répondent pourtant présents, le premier tirage du premier épisode a été liquidé en une journée. On sent les frémissements de la nostalgie qui guidera l'écriture du Réveil de la Force. En dehors de quelques mini-series totalement oubliables sur Darth Vader ou Darth Maul, on peut encore citer la série Star Wars: Dawn of the Jedi d'Ostrander et Duursema. A la fin de Legacy, le tandem créatif a voulu raconter les origines de la Force au tout début de l'univers Star Wars, 26 000 ans avant la bataille de Yavin, dans une nouvelle ère jusqu'ici inexplorée. Le tout est cependant assez indigeste, et marque la fin de la période Dark Horse sur Star Wars en faisant pshitt plutôt que bang. C'est dommage pour cette équipe qui jusqu'ici avait fait un sans faute pendant 12 ans. L'Histoire récente s'écrit actuellement chez Marvel, avec la nouvelle série Star Wars de 2015 lancée par Jason Aaron et John Cassaday, complétée par l'on-going Darth Vader de Kieron Gillen et Salvador Larroca. A noter que toute la continuité évoquée auparavant est devenue caduque le 25 avril 2014 lorsque Disney a annoncé que seules les histoires créées à partir de cette date pouvaient être considérées comme faisant partie du Canon Star Wars aux côtés des films et de la série animée Clone Wars. Tout comme avec le New 52 de DC, cela n'empêche pas les auteurs actuels d'aller pêcher dans le vivier de l'Univers Etendu pour y récupérer les éléments qu'ils souhaitent réintroduire dans la continuité officielle. Cependant on peut d'ores et déjà écarter la trilogie de Thrawn, pourtant géniale, car JJ Abrams a choisi de l'ignorer dans le Réveil de la Force. Il est aussi peu probable que l'on voit un jour les jumeaux Solo. Cette décision d'effacer la continuité préalable est fort dommage car elle prive les fans de souvenirs parfois tendres, parfois amers. George Lucas l'a pourtant répété durant des années : il y a son univers (celui de ses films), et il y a l'univers des romans, comics et jeux vidéos. Tant que ceux-ci ne viennent pas le contredire ou marcher sur ses époques réservées, tout va bien et George est libre de les ignorer. Pour lui, seules comptent la vie et la mort d'Anakin Skywalker. Tout le reste n'est que fan-fiction : dans SON Star Wars, l'Empereur n'est pas cloné, Luke ne se marrie pas, il n'y a pas d'épisode VII et de Kylo Ren. On pourra regretter le manque de considération pour le travail des auteurs (Zhan, Veitch ou Ostrander en tête) qui se sont cassé la tête pour donner du plaisir aux lecteurs, tout en étant reconnus et appuyés par Lucasfilm à l'époque.

Posté par Leto le 02/01/2016